Un conflit entre une milice locale et les forces gouvernementales nationales en 2016 a transformé la région relativement calme du Kasaï en République démocratique du Congo (RDC) en une scène de violent conflit intercommunautaire. Au moins 5 000 personnes sont mortes et 1,4 million d'autres ont été déplacées par deux années de violence. Depuis la fin des combats en 2018, les tensions ethniques ont continué à couver, suscitant de graves inquiétudes quant à la possibilité d'une résurgence de la violence. Dans un nouveau rapport, Interpeace appelle à des actions inclusives et coordonnées pour faire face aux tensions naissantes et favoriser la paix, la réconciliation et le développement.
Le rapport, intitulé « Défis et priorités pour la paix au Kasaï et Kasaï-Central », présente les résultats d'une recherche-action participative menée dans le cadre d'une initiative lancée en 2019 par Interpeace avec ses partenaires Action pour la paix et la concorde (APC), Commission diocésaine Justice et Paix (CDJP) et Travail et Droit de l'Homme (TDH) pour aider à rétablir la confiance et la collaboration entre les communautés, les autorités nationales, le pouvoir coutumier et les forces de sécurité. Le rapport s'appuie sur de larges consultations menées entre octobre et décembre 2019 auprès de 426 citoyens afin d'identifier les causes sous-jacentes de la violence, les capacités de résilience disponibles et les priorités pour la paix, la sécurité et le développement dans la région. Il est également axé sur les résultats d'une enquête quantitative menée auprès de 848 personnes sur l'état du conflit, la sécurité, les niveaux de traumatisme, la confiance et les conditions socio-économiques dans les sites d'intervention.
Le rapport identifie cinq grandes questions litigieuses à l'origine des conflits au Kasaï et au Kasaï-Central. Il s'agit notamment de l'instrumentalisation du pouvoir coutumier à des fins politiques, de la concurrence ethnique pour accéder au pouvoir politique et économique et du manque de confiance dans les autorités nationales et les institutions de l'État. Le rapport présente également certains des obstacles au maintien de la paix. Parmi ceux-ci, figure la crise humanitaire causée par la violence, qui a créé des tensions entre les personnes déplacées et les communautés d'accueil qui se disputent la nourriture, l'accès à l'eau, les soins et l'éducation. Les traumatismes, les difficultés économiques et la méfiance à différents niveaux des sociétés sont également quelques-uns des obstacles à la cohésion pacifique.
Pour garantir le maintien de la paix, le rapport propose des recommandations clés pour restaurer la confiance et la réconciliation au sein des communautés et avec les autorités nationales. Les initiatives d'éducation à la paix doivent encourager et soutenir les individus à adopter la tolérance et le dialogue pour résoudre les conflits. Il faut faciliter un dialogue soutenu entre les chefs coutumiers, les communautés, les autorités et les forces de sécurité pour améliorer la gouvernance, prévenir la violence et promouvoir la réconciliation. Un programme multisectoriel de guérison des traumatismes doit être mis en place et des efforts sont nécessaires pour soutenir la démobilisation et la réintégration des anciens miliciens dans les communautés afin de réduire l'insécurité et de promouvoir la réconciliation. Enfin, le rapport recommande d'utiliser les possibilités de consolidation de la paix économique pour améliorer les conditions de vie de la population tout en renforçant la cohésion sociale.
De mars à août 2020, les résultats préliminaires et les recommandations du rapport ont été présentés aux acteurs locaux, provinciaux et nationaux pour validation. Pour la première fois depuis le conflit, les membres des communautés, les chefs coutumiers, les autorités et les forces de sécurité ont été réunis pour discuter et parvenir à une compréhension commune des défis et des priorités de la paix. Cela en a fait un outil puissant non seulement pour la recherche, mais aussi pour la construction d'un consensus, la réduction des tensions et le déclenchement d'une action collective avec une forte adhésion locale.
En s'appuyant sur cette dynamique positive et sur la récente amélioration de la sécurité dans la région, le moment est venu pour les décideurs nationaux et internationaux de comprendre et d'aborder les priorités identifiées par la population pour prévenir la reprise des conflits violents et faire progresser la réconciliation ainsi qu'un développement socio-économique inclusif.